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rendre l’ivrognerie plus dispendieuse ou plus rare en limitant le nombre des endroits de vente. Là-dessus, comme sur la plupart des questions pratiques, il faut faire une foule de distinction. Frapper d’un impôt les boissons fortes, c’est une mesure qui diffère bien peu de leur prohibition complète et elle n’est justifiable que si la prohibition l’est elle-même. Toute augmentation de prix est une prohibition pour ceux qui ne peuvent atteindre le nouveau prix, et quant à ceux qui le peuvent, ils subissent une pénalité pour satisfaire un goût particulier. Le choix de leurs plaisirs et leur manière de dépenser leur revenu, après qu’ils ont rempli leurs obligations légales et morales envers l’État et les individus, ne regardent qu’eux-mêmes et ne doivent dépendre que de leur jugement. À première vue, ces considérations peuvent paraître condamner le choix des boissons fortes comme sujet spécial d’impôt dans des vues fiscales. Mais il faut se rappeler que l’impôt à cette fin est absolument inévitable, que dans beaucoup de pays il doit être en grande partie indirect, que par conséquent l’État ne peut faire autrement que d’imposer certains articles de consommation, d’une façon qui pour quelques personnes peut être prohibitoire. Il est donc du devoir de l’État d’examiner avant de mettre des taxes de quelles denrées les consommateurs peuvent le mieux se passer, et a fortiori de choisir de préférence celles qui selon