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lutte pour un objet que deux personnes désiraient, tire un profit de la perte des autres, de leurs exertions frustrées et de leur désappointement. Mais c’est chose admise de tous : il vaut mieux, dans l’intérêt général de l’humanité, que les hommes continuent leurs poursuites, sans en être détournés par cette sorte de conséquences. En d’autres termes, la société ne reconnaît aux compétiteurs désappointés aucun droit légal ou moral à être exempts de cette espèce de souffrance : elle ne se sent appelée à intervenir que lorsque les moyens de succès employés sont de ceux que l’intérêt général ne peut permettre, savoir : la fraude ou l’escroquerie, et la violence.

Encore une fois commercer est un acte social. Quiconque entreprend de vendre une marchandise quelconque, fait là une chose qui touche les intérêts d’autrui et de la société en général ; donc, en principe, sa conduite encourt la juridiction de la société : en conséquence, on regardait autrefois comme du devoir des gouvernements, dans tous les cas de quelque importance, de fixer les prix et de régler les procédés de manufactures. Mais on reconnaît maintenant, quoique seulement après une longue lutte, qu’on assure plus efficacement le bon marché et la bonne qualité des denrées en laissant les producteurs et les vendeurs parfaitement libres, sans autre frein que l’égale liberté pour les acheteurs de se fournir ailleurs. Telle est la doctrine dite du libre