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sentiment de l’impureté religieuse si vif chez les Hindous, en est un exemple remarquable. Supposez maintenant que chez un peuple dont la majorité est musulmane, cette majorité veuille défendre de manger du porc dans tout le pays. Il n’y aurait rien là de nouveau pour les pays mahométans [1]. Serait-ce exercer légitimement l’autorité morale de l’opinion publique ? Non, dites-vous : et pourquoi non ? Cette coutume est réellement révoltante pour un tel public ; il croit sincèrement que Dieu la défend et l’abhorre. On ne pourrait pas davantage blâmer cette prohibition comme une persécution religieuse. Ce serait religieux dans l’origine, mais ce ne serait pas une persécution à cause de la religion, car la religion de personne n’oblige à manger du porc. Le seul motif soutenable de condamnation serait que le public n’a rien à voir dans les goûts et les intérêts personnels des individus.

  1. Le cas des Parsees de Bombay est un curieux exemple de ce fait. Quand cette tribu industrieuse et entreprenante (qui descendait des Persans, adorateurs du feu), abandonnant sa patrie devant les califes, arriva dans l’ouest de l’Inde, elle y fut tolérée par les souverains Hindous à condition de ne pas manger de bœuf. Quand plus tard ces contrées tombèrent sous la domination des conquérants mahométans, les Parsees obtinrent la continuation de cette tolérance, à condition de s’abstenir de porc. Ce qui ne fut d’abord que soumission devint une seconde nature, et les Parsees s’abstiennent encore aujourd’hui et de bœuf et de porc. Quoique leur religion ne l’exige pas, la double abstinence a eu le temps de devenir une coutume pour leur tribu, et la coutume dans l’Orient est une religion.