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difficile de prouver par de nombreux exemples, qu’un des penchants les plus universels de l’humanité est d’étendre les bornes de ce qu’on peut appeler la police morale, jusqu’à un point où elle empiète sur les libertés les plus certainement légitimes de l’individu.

Comme premier exemple, voyez les antipathies que les hommes nourrissent sur un motif aussi frivole que celui de la différence de pratiques et surtout d’abstinences religieuses. Pour citer un cas un peu trivial, rien dans la croyance ou dans le culte des chrétiens n’envenime plus la haine du musulman contre eux que de les voir manger du porc. Il y a peu d’actions qui soient plus antipathiques aux chrétiens et aux Européens que cette façon de se nourrir ne l’est aux mahométans. C’est d’abord une offense envers leur religion ; mais cette circonstance n’explique nullement le degré ou l’espèce de leur répugnance ; car le vin est aussi défendu par leur religion, et quoique les musulmans trouvent mal de boire du vin, ils n’en sont point révoltés.

Leur aversion pour la chair de la bête malpropre porte au contraire ce caractère particulier ressemblant à une antipathie instinctive, que l’idée de malpropreté, quand une fois elle a pénétré bien avant dans les sentiments, semble toujours exciter même chez ceux dont les habitudes personnelles ne sont nullement d’une propreté scrupuleuse. Le