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Le public, en intervenant dans la conduite personnelle, pense rarement à autre chose qu’à l’énormité qu’il y a d’agir et de sentir autrement qu’il ne fait ; et ce critérium faiblement déguisé, est présenté à l’espèce humaine comme le précepte de la religion et de la philosophie, par les neuf dixièmes de tous les écrivains moralistes et spéculatifs. Ils nous apprennent que les choses sont justes parce qu’elles sont justes, parce que nous sentons qu’elles sont ainsi. Ils nous disent de chercher dans notre esprit ou dans notre cœur les lois de conduite qui nous obligent envers nous-mêmes et envers les autres. Que peut faire le pauvre public, si ce n’est d’appliquer ces instructions, et de rendre obligatoires pour tout le monde ses sentiments personnels de bien et de mal, quand ils sont suffisamment unanimes ?

Le mal qu’on indique ici n’existe pas seulement en théorie, et on s’attend peut-être à ce que je cite les cas particuliers dans lesquels le public de ce siècle et de ce pays revêt à tort ses propres goûts du caractère de lois morales. Je n’écris pas un essai sur les aberrations du sentiment moral actuel. C’est un sujet trop important pour être discuté entre parenthèse et par manière d'illustration. Néanmoins des exemples sont nécessaires pour montrer que le principe que je soutiens a une importance sérieuse et pratique, et que je ne cherche pas à élever une barrière contre des maux imaginaires. Il n’est pas