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société contre le mauvais exemple donné par les hommes vicieux ou légers, il est vrai que le mauvais exemple, surtout l’exemple de nuire aux autres impunément, peut avoir un effet pernicieux. Mais nous parlons maintenant de la conduite qui, tandis qu’elle ne nuit pas aux autres, est supposée nuire beaucoup à l’agent lui-même ; et je ne vois pas comment, dans ce cas, on ne trouve pas l’exemple plus salutaire que nuisible, car s’il met l’inconduite au grand jour, il fait voir aussi les conséquences pénibles et dégradantes qui finissent en général, moyennant une censure justement appliquée, par en être l’expiation.

Mais l’argument le plus fort contre l’intervention du public dans la conduite personnelle, c’est que quand il intervient, il intervient à tort et à travers. Sur des questions de moralité sociale ou de devoir envers les autres, l’opinion du public (c’est-à-dire d’une majorité dominante), quoique souvent fausse, a quelque chance d’être encore plus souvent juste, parce que le public n’est appelé à juger là que de ses propres intérêts et de la façon dont ils seraient affectés par certaine manière de se conduire, si on la permettait. Mais l’opinion d’une telle majorité imposée comme loi à la minorité sur des questions personnelles a tout autant de chance d’être fausse que juste. De fait, en pareil cas, ces mots opinion publique signifient au plus l’opinion de quelques