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mûr qui sont également impuissantes pour se gouverner elles-mêmes. Si le jeu ou l’ivrognerie, ou l’incontinence, ou l’oisiveté, ou la saleté, sont d’aussi grands obstacles au bonheur et au progrès que la plupart des actions défendues par la loi, pourquoi la loi n’essaierait-elle pas, autant que la chose est possible, de réprimer aussi ces abus ? Et pour suppléer aux imperfections inévitables de la loi, l’opinion ne devrait-elle pas au moins organiser une police puissante contre ces vices, et diriger contre ceux qui les professent toutes les rigueurs des pénalités sociales ? Il n’est pas question ici, nous dit-on, de contraindre l’individualité ni d’empêcher l’essai de quelque manière de vivre neuve et originale. Les seules choses qu’on cherche à empêcher sont des choses qui ont été essayées et condamnées depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, des choses qui, l’expérience l’a démontré, ne sont utiles ni convenables à l’individualité de personne. Il faut une certaine longueur de temps et une certaine somme d’expérience, pour qu’une vérité de morale ou de prudence puisse être regardée comme établie, et tout ce qu’on désire c’est d’empêcher les générations, l’une après l’autre, de tomber dans l’abîme qui a été fatal à leurs devanciers.

J’admets pleinement que le tort qu’une personne se fait peut affecter sérieusement ses proches dans leurs sentiments et dans leurs intérêts, et à un moindre degré la société en général. Quand, par une