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chose de plus que prudence, signifie respect de soi-même ou développement de soi-même ; et personne ne doit là-dessus de compte à ses semblables, parce qu’ils n’y sont pas intéressés.

La distinction entre le discrédit auquel une personne est justement exposée, faute de prudence ou de dignité personnelle, et la réprobation qui lui est due pour une atteinte aux droits des autres, n’est pas une distinction purement nominale. Il y a une grande différence et dans nos sentiments et dans notre conduite à l’égard de cette personne, selon qu’elle nous déplaît dans les choses où nous pensons avoir le droit de la contrôler ; ou dans les choses où nous savons ne pas l’avoir. Si elle nous déplaît, nous pouvons exprimer notre antipathie et nous tenir à distance d’un être aussi bien que d’une chose qui nous déplaît ; mais nous ne nous sentirons pas appelés pour cela à lui rendre la vie inconfortable. Nous réfléchirons qu’elle porte déjà ou qu’elle portera la peine de son erreur. Si elle gâte sa vie par un défaut de conduite, nous ne désirerons pas pour cela la gâter encore plus : loin d’appeler sur elle une pénitence, nous essaierons plutôt d’alléger l’expiation qui a commencé pour elle, en lui montrant le moyen d’éviter ou de guérir les maux que sa conduite va lui causer. Cette personne peut être pour nous un objet de pitié, et même d’aversion, mais non d’irritation ou de ressentiments : nous ne la traiterons pas comme