Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

imposer à l’individu des considérations pour aider son jugement, des exhortations pour fortifier sa volonté, mais il en est le juge suprême. Il peut se tromper, malgré les conseils et les avertissements ; mais c’est un moindre mal que de laisser les autres le contraindre au sujet de ce qu’ils estiment son bien.

Je ne veux pas dire que les sentiments de la société envers une personne ne doivent pas être affectés par ses qualités ou ses défauts individuels ; cela n’est ni possible ni désirable. Si une personne possède à un degré éminent les qualités qui peuvent tourner à son profit, à son élévation, elle est par cela même digne d’admiration ; elle touche d’autant plus à l’idéal humain de perfection. Si au contraire ces qualités lui manquent grossièrement, on aura pour elle le sentiment opposé à l’admiration. Il y a un degré de sottise et un degré de ce qu’on peut appeler (quoique ce point soit sujet à objection) bassesse ou dépravation du goût, qui, s’il ne nuit pas positivement à celui qui le manifeste, le rend nécessairement et naturellement un objet de répulsion et même, dans certains cas, de mépris. Il serait impossible à quiconque possède les qualités opposées dans toute leur force, de ne pas éprouver ces sentiments. Sans nuire à personne, un homme peut agir de telle façon que nous soyons obligés de le tenir ou pour un sot, ou pour un être d’un ordre inférieur ; et comme cette manière de le juger ne lui plairait pas, c’est lui rendre