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de semblables efforts, peut s’allier localement et temporairement avec les adversaires du progrès : mais l’unique source infaillible et permanente du progrès est la liberté, puisque grâce à elle il peut y avoir autant de centres indépendants de progrès qu’il y a d’individus.

Cependant le principe progressif, soit sous la forme de l’amour de la liberté, soit sous celle de l’amour de l’amélioration, est ennemi de l’empire de la coutume ; car il implique au moins l’affranchissement de ce joug, et la lutte entre ces deux forces constitue le principal intérêt de l’histoire de l’humanité. La plus grande partie du monde n’a pas d’histoire, à proprement parler, parce que le despotisme de la coutume est complet. C’est le cas de tout l’Orient. La coutume est là le souverain arbitre pour toutes choses ; justice et droit signifient la conformité à la coutume. Personne, si ce n’est quelque tyran enivré de pouvoir, ne songe à résister à l’argument de la coutume. Et nous en voyons le résultat. Ces nations ont dû avoir autrefois de l’originalité ; elles ne sont pas sorties de terre populeuses, lettrées et profondément versées dans certains arts de la vie ; sous tous ces rapports elles se sont faites elles-mêmes, et elles étaient alors les plus grandes et les plus puissantes nations du monde. Que sont-elles maintenant ? Elles sont sujettes ou dépendantes de tribus dont les ancêtres erraient dans les forêts,