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ou bien la conformation physique et morale des êtres humains se ressemble-elle plus que la forme de leurs pieds ? Quand ce ne serait que parce que les hommes n’ont pas tous le même goût, il ne faudrait pas absolument essayer de les modeler tous d’une même façon. Mais en outre les différentes personnes veulent des conditions différentes pour leur développement intellectuel, et elles ne peuvent pas plus exister sainement dans la même atmosphère morale, que toutes les variétés de plantes ne peuvent exister sous le même climat. Les mêmes choses qui aident une personne à cultiver sa nature supérieure, sont des obstacles pour une autre.

La même manière de vivre est pour l’un une excitation salutaire qui entretient dans le meilleur ordre ses facultés d’actions et de jouissances, tandis que pour l’autre c’est un fardeau affreux qui suspend ou détruit toute vie intérieure. Il y a de telles différences entre les hommes, dans leur manière de jouir, de souffrir et de ressentir l’opération des diverses influences physiques et morales, que s’il n’y a pas une semblable diversité dans leur manière de vivre, ils ne pourront ni obtenir toute leur part de bonheur, ni arriver à la hauteur intellectuelle, morale et esthétique dont leur nature est capable. Pourquoi donc la tolérance, en tant qu’il s’agit du sentiment public, s’étendrait-elle seulement aux goûts et aux manières de vivre qui se font accepter par la