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Tout ce qu’un tel homme peut revendiquer, c’est la liberté de montrer le chemin. Le pouvoir de forcer les autres à le suivre est non-seulement incompatible avec la liberté et le développement de tout le reste, mais corrompt l’homme de génie lui-même. Il semble cependant que lorsque les opinions des masses composées uniquement d’hommes ordinaires, sont devenues ou deviennent partout le pouvoir dominant, le contre-poids et le correctif de leur tendance serait l’individualité de plus en plus prononcée des penseurs les plus éminents.

C’est surtout dans ces circonstances que les individus exceptionnels devraient être encouragés à agir différemment de la masse, au lieu d’en être empêchés. Autrefois il n’y avait pas d’avantage à cela, à moins qu’ils n’eussent agi non-seulement différemment, mais mieux. Aujourd’hui, le simple exemple de non conformité, le simple refus de s’agenouiller devant la coutume est en soi-même un service.

Précisément parce que la tyrannie de l’opinion est telle, qu’elle fait un crime de l’excentricité, il est désirable, afin de briser cette tyrannie, que les hommes soient excentriques. L’excentricité et la force de caractère marchent toujours de pair, et la somme d’excentricité contenue dans une société, est généralement proportionnée à la somme de génie, de vigueur intellectuelle et de courage moral qu’elle renferme. Ce qui marque bien le principal danger