ne s’éteignît pas comme dans l’empire grec. À la vérité les hommes de génie sont et seront toujours probablement en minorité ; mais afin de les avoir, il faut conserver le sol sur lequel ils croissent. Le génie ne peut respirer librement que dans une atmosphère de liberté. Les hommes de génie sont ex vi termini, plus individuels que les autres, moins capables par conséquent de se mouler, sans une compression nuisible, dans aucun des moules peu nombreux que la société prépare pour éviter à ses membres la peine de former leur propre caractère.
Si par timidité les hommes de génie consentent à subir un de ces moules, et à laisser non épanouie cette partie d’eux-mêmes qui ne peut s’épanouir sous une telle pression, la société ne profitera guère de leur génie. Mais s’ils sont doués d’une grande force de caractère et brisent leurs liens, ils deviennent le point de mire de la société ; n’ayant pas réussi à les réduire au lien commun, elle les désigne solennellement comme bizarres, extravagants, etc. C’est à peu près comme si on se plaignait de ne pas voir le Niagara couler avec autant de calme qu’un canal hollandais.
Si j’insiste avec cette emphase sur l’importance du génie et sur la nécessité de le laisser se développer librement, en pensée et en pratique, c’est que si personne ne nie la chose en théorie, le monde