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ample compensation, même sous le point de vue du développement humain. Les moyens de développement que l’individu perd, si on l’empêche de satisfaire ses penchants d’une façon nuisible à autrui, ne seraient obtenus qu’aux dépens des autres hommes. Et lui même y trouve une compensation, car la contrainte imposée à son égoïsme facilite le développement supérieur de la partie sociale de sa nature.

Être soumis pour le bien des autres aux strictes règles de la justice, développe les sentiments et les facultés qui s’exercent pour le bien des autres. Mais être contraint dans les choses qui ne touchent pas le bien des autres, par leur simple déplaisir, ne développe rien de bon que la force de caractère qu’on peut peut-être déployer en résistant à la contrainte. Si l’on se soumet, cette contrainte émousse et appesantit toute notre nature. Pour donner beau jeu à la nature de chacun, il faut que différentes personnes puissent mener différents genres de vie. Les siècles qui ont eu le plus de cette latitude, sont ceux qui se recommandent le plus à l’attention de la postérité. Le despotisme lui-même ne produit pas ses pires effets, aussi longtemps que l’individualité existe sous ce régime, et tout ce qui détruit l’individualité est du despotisme, quelque nom qu’on puisse lui donner, qu’il prétende imposer la volonté de Dieu ou les injonctions des hommes.