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dominait d’une façon excessive et où le principe social avait à lui livrer de rudes combats.

La difficulté était alors d’amener des hommes puissants de corps ou d’esprit à subir des règles qui prétendaient contrôler leurs impulsions. Pour vaincre cette difficulté, la loi et la discipline (les papes par exemple en lutte contre les empereurs) proclamèrent leur pouvoir sur l’homme tout entier, revendiquant le droit de contrôler sa vie tout entière, afin de pouvoir contrôler son caractère que la société ne trouvait aucun autre moyen de contenir. Mais la société aujourd’hui a pleinement raison de l’individualité, et le danger qui menace la nature humaine n’est plus l’excès mais le manque d’impulsions et de goûts personnels. Les choses ont bien changé depuis le temps où les passions des hommes puissants par leur position ou par leurs qualités personnelles, étaient dans un état de rébellion habituelle contre les lois et les ordonnances, et devaient être rigoureusement enchaînées, afin que tout ce qui les entourait pût jouir d’une certaine sécurité. À notre époque, tout homme, depuis le premier jusqu’au dernier, vit sous le regard d’une censure hostile et redoutée. Non seulement pour ce qui touche les autres, mais encore pour ce qui ne touche qu’eux-mêmes, l’individu ou la famille ne se demandent pas : « Qu’est-ce que je préfère ? qu’est-ce qui conviendrait à mon caractère et à mes dispositions ? qu’est-ce qui donnerait