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la liberté ne fût pas appréciée à sa valeur ; on ne rencontrerait pas de difficultés extraordinaires à tracer la ligne de démarcation entre elle et le contrôle social. Mais malheureusement on accorde à peine à la spontanéité individuelle aucune espèce de valeur intrinsèque.

La majorité étant satisfaite des coutumes actuelles de l’humanité (car c’est elle qui les a faites ce qu’elles sont), ne peut comprendre pourquoi ces coutumes ne suffiraient pas à tout le monde. Il y a plus encore, la spontanéité n’entre pas dans l’idéal de la majorité des réformateurs moraux et sociaux : ils la regardent plutôt avec jalousie, comme un obstacle gênant et peut-être insurmontable à l’acceptation générale de ce qui, suivant le jugement de ces réformateurs, serait le mieux pour l’humanité. Peu de personnes, même en dehors de l’Allemagne, comprennent le sens de cette doctrine sur laquelle Guillaume de Humboldt, si distingué et comme savant et comme politique, a fait un traité, à savoir que « la fin de l’homme, non pas telle que la suggèrent de vagues et fugitifs désirs, mais telles que la prescrivent les décrets éternels ou immuables de la raison, est le développement le plus étendu et le plus harmonieux de toutes ses facultés en un ensemble complet et consistant » donc le but « vers lequel doit tendre incessamment tout être humain, et en particulier ceux qui veulent influer sur leurs