salutaire. Ce n’est pas la lutte violente entre les diverses parties de la vérité qui est le mal redoutable, mais bien la suppression tranquille d’une moitié de la vérité ; il y a toujours de l’espoir quand les hommes sont obligés d’écouter les deux côtés : c’est quand ils ne s’occupent que d’un seul que leurs erreurs tournent en préjugés et que la vérité exagérée et faussée cesse d’avoir les effets de la vérité. Et puisque rien n’est si rare dans le domaine intellectuel que cette faculté judiciaire qui peut rendre un jugement intelligent sur les deux côtés d’une question lorsqu’elle n’a entendu plaider qu’un avocat, la vérité n’a de chance que si toute opinion renfermant quelqu’une de ses fractions trouve des avocats et des avocats dignes d’être écoutés.
Nous avons reconnu maintenant la nécessité pour le bien-être intellectuel de l’espèce humaine (dont dépend son bien-être matériel) de la liberté d’opinions et de la liberté de discussion : cela pour quatre motifs distincts, que nous allons à présent récapituler brièvement : 1° Une opinion qu’on réduirait au silence peut très-bien être vraie : nier ceci, c’est affirmer notre propre infaillibilité ; 2° quand même l’opinion réduite au silence serait une erreur, elle peut contenir, ce qui arrive la plupart du temps, une portion de la vérité ; et puisque l’opinion générale ou dominante sur quelque sujet que ce soit est rarement ou n’est jamais toute la