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ils devraient être justes eux-mêmes envers l’infidélité. C’est mal servir la vérité, que de perdre de vue ce fait bien connu par tous ceux qui ont la moindre notion d’histoire littéraire, qu’une grande partie de l’enseignement moral le plus noble et le plus élevé a été l’œuvre, non-seulement d’hommes qui ne connaissaient pas, mais d’hommes qui connaissaient et rejetaient la foi chrétienne.

Je ne soutiens pas que l’usage le plus illimité de la liberté d’énoncer toutes les opinions possibles mettrait fin aux maux de l’esprit de secte religieux ou philosophique. Toutes les fois que des hommes d’un esprit étroit croient de bonne foi une vérité, on est sûr de les voir la proclamer, l’inculquer et même souvent agir d’après leur conviction, comme s’il n’y avait pas au monde d’autre vérité, ou du moins pas d’autre qui puisse limiter ou modifier la première. Je reconnais que la plus libre discussion n’empêche pas la tendance de toute opinion à devenir sectaire, que souvent au contraire elle l’accroît et l’aigrit ; car on repousse d’autant plus violemment la vérité, inaperçue jusque-là, qu’elle est proclamée par des personnes regardées comme des adversaires.

Mais ce n’est pas sur le partisan passionné, c’est sur le spectateur plus calme et plus désintéressé, que cette collision des opinions produit son effet