Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

humain toute la vérité ne peut se faire jour que par la diversité d’opinion. Quand on trouve des personnes qui ne partagent point l’apparente unanimité du monde sur un sujet, il est probable, même le monde fût-il dans le vrai, que ces dissidents ont à dire en leur faveur quelque chose qui mérite d’être écouté, et que la vérité perdrait quelque chose à leur silence.

On peut faire l’objection suivante : « Mais quelques-uns des principes reçus, surtout sur les sujets les plus élevés et les plus essentiels, sont plus que des demi-vérités. La morale chrétienne, par exemple, contient la vérité tout entière sur ce sujet, et si quelqu’un enseigne une morale différente, il est complétement dans l’erreur. » Comme ceci est un des cas les plus importants en pratique, on ne peut rien trouver de mieux pour mettre à l’épreuve la maxime générale. Mais avant de décider ce que la morale chrétienne est ou n’est pas, il serait désirable de fixer ce qu’on entend par morale chrétienne. Si on entend par là la morale du Nouveau-Testament, je m’étonne que quelqu’un qui tire sa science de ce livre lui-même, puisse supposer qu’il fût conçu ou annoncé comme une doctrine complète de morale. L’évangile en réfère toujours à une morale préexistante, et borne ses préceptes aux points particuliers sur lesquels cette morale devait être corrigée ou remplacée par une autre plus étendue et plus élevée. De plus,