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de la victoire détruit les fruits de la conquête ? »

Je n’affirme rien de tel. À mesure que l’humanité progresse, le nombre des doctrines qui ne sont plus un sujet de discussion ni de doute augmente constamment, et le bien-être de l’humanité peut presque se mesurer au nombre et à l’importance des vérités devenues incontestables. La cessation sur un point, puis sur un autre, de toute controverse sérieuse, est un des incidents nécessaires de la consolidation de l’opinion ; une consolidation aussi salutaire dans le cas d’une opinion juste qu’elle est dangereuse et nuisible quand les opinions sont erronées. Mais, quoique cette diminution graduelle de la diversité d’opinion soit nécessaire dans toute la force du terme, étant à la fois inévitable et indispensable, nous ne sommes pas obligés d’en conclure que toutes ses conséquences doivent être salutaires.

La nécessité d’expliquer ou de défendre constamment une vérité aide si bien à la comprendre dans toute sa force, que cet avantage, quoiqu’il ne surpasse pas, pourrait presque balancer celui de la reconnaissance universelle de cette vérité.

J’avoue que je voudrais voir, là où on ne possède plus un tel avantage, les instituteurs de l’espèce humaine chercher à le remplacer. Je voudrais les voir créant quelque moyen de rendre les difficultés de la question aussi présentes à l’esprit des hommes