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il y a beaucoup de vérités dont on ne peut comprendre tout le sens, que lorsque l’expérience personnelle nous l’a enseigné. Mais de celles-là même le sens aurait été plus et mieux compris, si l’homme s’était accoutumé à en entendre discuter le pour et le contre par des gens connaissant ce dont ils parlaient. La tendance fatale de l’espèce humaine à laisser de côté une chose dès qu’elle n’est plus révoquée en doute a causé la moitié de ses erreurs. Un auteur contemporain a bien décrit le profond sommeil d’une opinion faite, arrêtée.

« Mais quoi, » demandera-t-on, « est-ce que l’absence d’unanimité est une condition indispensable au vrai savoir ? est-il nécessaire qu’une portion de l’humanité persiste dans l’erreur pour que l’autre puisse comprendre la vérité ? Est-ce qu’une croyance cesse d’être vraie et vitale aussitôt qu’elle est généralement acceptée ? est-ce qu’une proposition n’est jamais complètement comprise et sentie, si l’on ne conserve quelque doute sur son compte ? Est-ce qu’une vérité périt aussitôt que l’humanité l’a unanimement acceptée ? On a toujours regardé l’acquiescement de plus en plus unanime des hommes aux vérités importantes, comme le but le plus élevé et le plus grand des progrès de l’intelligence. Est-ce que l’intelligence ne dure qu’aussi longtemps qu’elle n’a pas atteint son but ? Est-ce que la plénitude même