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d’impunité : d’où il suit que d’un pays à l’autre l’action sociale doit varier comme la vie elle-même. Il faut bien que la différence des goûts et des mœurs, en mette une dans les pouvoirs impulsifs et coactifs de l’État : ce qui introduit en chaque pays, sur chaque question où le droit social est aux prises avec le droit individuel, des considérations locales qui tantôt penchent vers le règlement, tantôt vers la liberté, sous l’impulsion des circonstances ou des précédents.

Supposez un pays où chacun ait le droit, dans la limite et dans l’interprétation de certains livres, de se faire sa religion. Vous verrez dans ce pays la lecture enseignée au peuple et même imposée à titre de service public, de nécessité disciplinaire, avec des sacrifices dont on n’a pas d’idée ailleurs où la religion est traditionnelle et gardée par un interprète unique et infaillible. Dans la Nouvelle-Angleterre, chaque citoyen paie cinq francs d’impôt pour le budget des écoles. L’État, dit un fonctionnaire américain, y donne l’instruction à tous, comme Dieu donne l’air à la lumière. Si la France, pour faire l’éducation de son suffrage universel, voulait traiter ses écoles primaires avec cette largesse, elle aurait à y dépenser, toute proportion gardée, cent quatre-vingts millions, au lieu des vingt millions qu’il en coûte aujourd’hui aux communes, aux départements et à l’État.