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suggèrent plus qu’une petite portion de celles qu’ils servaient à rendre originairement. Au lieu d’une conception forte et d’une croyance vivante, il ne reste que quelques phrases retenues par routine ; ou, si l’on retient quelque chose du sens, c’en est seulement l’écaille et l’écorce, la plus pure essence en étant perdue. Le grand chapitre que ce fait occupe et remplit dans l’histoire humaine ne peut être trop sérieusement étudié et médité.

On le trouve dans l’histoire de toutes les doctrines morales et de toutes les croyances religieuses. Elles sont pleines de sens et de vérité pour ceux qui les créent et pour les disciples immédiats des créateurs. Leur sens continue à être compris aussi clairement, si ce n’est plus, tant que dure la lutte pour donner à la doctrine ou à la croyance la suprématie sur les autres croyances. À la fin, ou elle l’emporte et devient l’opinion générale ; ou son progrès s’arrête, elle garde le terrain conquis mais cesse de s’étendre. Quand l’un ou l’autre de ces résultats est devenu apparent, la controverse sur le sujet diminue et s’éteint graduellement. La doctrine a pris sa place, sinon comme une opinion reçue, du moins comme une des sectes ou divisions d’opinion admises : ceux qui la professent en ont généralement hérité et ne l’ont pas adoptée, et des conversions d’une de ces doctrines à l’autre étant alors un fait exceptionnel, leurs partisans s’occupent