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vérité qui est seule capable d’affronter et de vaincre la difficulté.

Quatre-vingt-dix-neuf sur cent de ce qu’on appelle des hommes instruits, même de ceux qui peuvent discuter couramment en faveur de leurs idées, se trouvent dans cette condition bizarre. Leur conclusion peut être vraie, mais elle peut être fausse sans qu’ils s’en doutent ; ils ne se sont jamais mis dans la position mentale de ceux qui pensent autrement qu’eux, et ils n’ont jamais considéré ce que ces personnes peuvent avoir à dire, par conséquent ils ne connaissent pas, dans le sens véritable du mot, la doctrine qu’ils professent. Ils ne connaissent pas ces parties de leur doctrine qui expliquent et justifient le reste, ces considérations qui montrent que deux faits, en apparence contradictoires, sont conciliables, ou que de deux raisons paraissant toutes deux très-fortes, l’une doit être préférée à l’autre. De tels hommes sont étrangers à toute cette portion de la vérité qui, pour un esprit complétement éclairé, l’emporte dans la balance et décide le jugement. Du reste ceux-là seuls la connaissent réellement qui ont écouté les deux côtés avec impartialité et qui ont essayé d’en voir les raisons sous leur forme la plus évidente. Cette discipline est si essentielle à une juste compréhension des sujets moraux et humains, que s’il n’existe pas des adversaires pour toutes les vérités importantes, on doit