Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même le droit de l’individu à faire exclusivement telle ou telle chose.

Si j’en crois l’étymologie, définir c’est borner ; borner, c’est isoler. Le moyen d’isoler la vie et le droit ? Comment imaginer l’un sans l’autre, c’est-à-dire la force sans règle, ou bien la règle planant sur le vide, sur le néant ?

Remarquez bien qu’il ne s’agit pas ici d’établir une hiérarchie, de classer deux pouvoirs, selon leur importance et leur dignité. Rien n’est plus facile que de mettre d’un côté la subordination, de l’autre la supériorité, comme dans le cas de l’âme et du corps. En ce sens, vous pourriez dire que le droit individuel a une valeur de principe, et le droit social une simple valeur d’exception, d’accessoire ; que l’un et l’autre doivent concourir dans cette mesure à toutes les solutions. Mais telle n’est pas la question ; il s’agit, étant donné l’individu et la société que l’on tient pour deux puissances distinctes, de reconnaître le domaine exclusif de chacune, et montrant à chacune sa limite, sa rive, de lui dire : Tu n’iras pas plus loin. Insigne difficulté à l’égard de choses d’une telle pénétration !

Que si en outre, ces choses universelles sont variables et changeantes, comment les saisir, les fixer par une définition ? Ceci n’est pas une hypothèse ; chaque société a son génie et sa tradition, c’est-à-dire ses besoins spéciaux de discipline ou