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peut-être de s’étendre. Mais ce n’est pas à l’esprit des hérétiques que nuit le plus la prohibition de toutes recherches dont les conclusions ne sont pas conformes à l’orthodoxie. Ceux qui en souffrent davantage sont les orthodoxes eux-mêmes, dont tout le développement intellectuel est gêné et dont la raison est domptée par la crainte de l’hérésie. Qui peut calculer tout ce que le monde perd dans cette quantité de belles intelligences alliées à des caractères timides, lesquelles n’osent se laisser aller à une façon de penser hardie, vigoureuse, indépendante, de peur d’arriver à une conclusion irréligieuse ou immorale aux yeux de quelques-uns ? Là vous voyez quelquefois un homme profondément consciencieux, d’un entendement subtil et raffiné, qui passe sa vie à sophistiquer avec son intelligence qu’il ne peut réduire au silence, et qui épuise toutes les ressources de l’esprit pour concilier les inspirations de sa conscience et de sa raison avec l’orthodoxie, ce à quoi après tout il ne réussit peut-être pas.

Nul ne peut être grand penseur qui ne regarde pas comme son premier devoir, en qualité de penseur, de suivre son intelligence n’importe où elle peut le mener. La société gagne encore plus aux erreurs même d’un homme qui, après l’étude et la préparation voulues, pense par lui-même, qu’aux opinions justes de ceux qui les professent, seulement parce qu’ils ne se permettent pas de penser. Non pas