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même sociales suffira pour arrêter la propagation soit de l’une, soit de l’autre. L’avantage réel que possède la vérité consiste en ce que, lorsqu’une opinion est vraie, on a beau l’étouffer plusieurs fois, elle reparaît toujours dans le cours des siècles, jusqu’à ce qu’une de ses réapparitions tombe sur une époque où, par suite de circonstances favorables, elle échappe à la persécution, assez longtemps au moins pour acquérir la force de pouvoir lui résister plus tard.

On nous dira que nous ne mettons plus à mort à présent ceux qui introduisent des opinions nouvelles ; nous ne sommes pas comme nos pères qui massacraient les prophètes, au contraire nous leur bâtissons des sépulcres. Il est vrai, nous ne mettons plus à mort les hérétiques, et toutes les peines que pourrait tolérer le sentiment moderne, même contre les opinions les plus odieuses, ne suffiraient pas pour les extirper. Mais ne nous flattons pas encore d’avoir échappé à la honte de la persécution légale. La loi permet encore des pénalités à l’égard de l’opinion ou au moins de son expression, et l’application de ces pénalités n’est pas une chose tellement sans exemple qu’on puisse espérer ne jamais les voir revivre dans toute leur force. L’année 1857, aux assises d’été du comté de Cornwall, un malheureux homme d’une conduite irréprochable, dit-on, dans toutes les relations de la vie, fut condamné à