Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée

que l’on sait, le plus doux et le plus aimable des philosophes et des souverains conduit par un sentiment solennel de devoir, dut autoriser la persécution du christianisme.

Selon moi, c’est un des faits les plus tragiques de l’histoire. Il est triste de penser combien eût pu être différent le christianisme du monde, si la foi chrétienne avait été adoptée comme religion de l’empire par Marc-Aurèle au lieu de Constantin. Mais ce serait à la fois une injustice et une fausseté de nier que Marc-Aurèle n’ait eu, pour punir comme il le fit, la propagation du christianisme, toutes les excuses qu’on peut alléguer pour punir des doctrines antichrétiennes. Un chrétien croit fermement que l’athéisme est une erreur et un principe de dissolution sociale ; mais Marc-Aurèle en pensait autant du christianisme, lui, que de tous les hommes alors vivants on aurait pu croire le plus capable de l’apprécier. Donc, que tout adversaire de la liberté de discussion s’abstienne d’affirmer à la fois son infaillibilité et celle de la multitude, comme le fit avec de si fâcheux résultats le grand Antonin, à moins cependant qu’il ne se flatte d’être plus sage et meilleur que Marc-Aurèle, plus profondément versé dans la sagesse de son temps et d’un esprit plus supérieur à ce milieu, de meilleure foi dans sa recherche de la vérité, ou plus sincèrement attaché à la vérité une fois trouvée.