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méritait le plus de l’espèce humaine, à être mis à mort comme un criminel.

Passons à l’autre unique exemple d’iniquité judiciaire dont ce ne soit pas une gradation renversée que de faire mention après la mort de Socrate. Nous voulons parler de l’événement qui s’accomplit sur le Calvaire, il y a plus de dix-huit cents ans. L’homme qui laissa à tous ceux qui l’avaient vu et entendu une telle impression de sa grandeur morale, que dix-huit siècles lui ont rendu hommage comme au Tout-Puissant, fut ignominieusement mis à mort. Pourquoi ? comme blasphémateur. Non-seulement les hommes ne reconnurent point leur bienfaiteur, mais ils le prirent pour le contraire exact de ce qu’il était, et le traitèrent comme un prodige d’impiété. A présent on les tient pour tels eux-mêmes, à cause du traitement qu’ils lui firent subir. Les sentiments qui animent aujourd’hui l’espèce humaine au sujet de ces événements lamentables, la rendent extrêmement injuste dans son jugement sur les malheureux acteurs. Ceux-ci, selon toute apparence, n’étaient pas pires que le commun des hommes : c’était au contraire des hommes qui possédaient d’une façon complète, plus que complète peut-être, les sentiments religieux, moraux et patriotiques de leur temps et de leur pays ; de ces hommes qui sont faits, en tout temps, y compris le nôtre, pour traverser