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qu’il a existé un homme du nom de Socrate, et qu’il s’éleva une collision mémorable entre cet homme d’un côté, et de l’autre les autorités légales et l’opinion publique. Il était né dans un siècle et dans un pays riches en grandeur individuelle, et sa mémoire nous a été transmise par ceux qui connaissaient le mieux, et lui et son époque, comme la mémoire de l’homme le plus vertueux de son temps. Nous le connaissons en même temps pour le chef et le prototype de tous ces grands maîtres de vertu qui lui furent postérieurs, pour la source et de l’inspiration de Platon et du judicieux utilitarianisme d’Aristote « i maestri di color che sanno, » les deux créateurs de toute philosophie éthique ou autre. Ce maître reconnu de tous les penseurs éminents qui parurent après lui ; cet homme dont la gloire toujours croissante depuis plus de deux mille ans surpasse celle de tous les autres noms qui illustrèrent sa ville natale, fut mis à mort par ses concitoyens après une condamnation juridique, comme coupable d’impiété et d’immoralité. Impiété en niant les dieux reconnus par l’État ; à vrai dire, son accusateur affirmait qu’il ne croyait en aucuns dieux (voir l'Apologia). Immoralité en corrompant la jeunesse par ses doctrines et ses instructions. On a toute raison de croire que le tribunal le trouva en conscience coupable de ces crimes ; et il condamna l’homme qui probablement de tous ses contemporains