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Un homme a beau être positivement convaincu non-seulement de la fausseté, mais des conséquences pernicieuses, non-seulement des conséquences pernicieuses, mais (pour employer des expressions que je condamne entièrement) de l’immoralité et de l’impiété d’une opinion, néanmoins en conséquence de ce jugement privé (et quand bien même il serait soutenu par le jugement public de son pays ou de ses contemporains), s’il empêche cette opinion de parler pour sa défense, il affirme sa propre infaillibilité. Et cette affirmation est loin d’être moins dangereuse ou moins répréhensible, parce que l’opinion est appelée immorale ou impie : c’est au contraire de tous les cas celui où elle est le plus fatale.

Voilà exactement les occasions où les hommes commettent ces affreuses méprises qui excitent l’étonnement et l’horreur de la postérité. Nous en trouvons des exemples mémorables dans l’histoire, lorsque nous voyons le bras de la loi occupé à détruire les meilleurs hommes et les plus nobles doctrines, et cela avec un succès déplorable quant aux hommes : quant aux doctrines, plusieurs ont survécu, pour être (comme par dérision) invoquées pour la défense d’une conduite semblable envers ceux qui n’acceptaient pas ces doctrines ou leur interprétation reçue.

On ne peut rappeler trop souvent à l’espèce humaine