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vérité. La vérité d’une opinion fait partie de son utilité : dès que nous voulons savoir s’il est désirable ou non qu’une proposition soit crue, est-il possible d’exclure la considération de sa vérité ou de sa fausseté ?

Dans l’opinion, non des hommes vicieux mais des meilleurs, aucune croyance contraire à la vérité ne peut être réellement utile ; et pouvez-vous empêcher de tels hommes d’alléguer cette apologie quand on les poursuit pour avoir nié quelque doctrine utile, leur dit-on, mais qu’ils croient être fausse ? Ceux qui partagent les opinions reçues ne manquent jamais de tirer tout l’avantage possible de cette excuse ; vous ne les trouvez pas, eux, traitant la question d’utilité, comme si on pouvait la détacher complétement de la question de vérité. Au contraire, c’est surtout parce que leur doctrine est la vérité qu’il est si indispensable de la connaître ou d’y croire. Il ne peut pas y avoir de discussion loyale sur la question d’utilité quand un des partis seulement peut employer un argument si vital. Et en point de fait, quand la loi ou le sentiment public ne permettent pas de discuter la vérité d’une opinion, ils sont tout aussi peu tolérants pour un déni de son utilité. Le plus qu’ils permettent est une atténuation de sa nécessité absolue, ou du crime positif de la rejeter.

Afin de montrer plus clairement tout le mal qu’il