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Il est étrange que les hommes reconnaissent la valeur des arguments en faveur de la libre discussion, mais qu’ils répugnent à pousser ces arguments jusqu’au bout, ne voyant pas que si des raisons ne sont pas bonnes pour un cas extrême, elles ne valent rien du tout. — Autre singularité — ils croient ne pas se piquer d’infaillibilité, quand ils reconnaissent que la discussion doit être libre sur tous les sujets qui peuvent être douteux, mais qu’ils pensent en même temps qu’on devrait placer au-dessus de la discussion une doctrine ou un point particulier, parce que c’est si certain, c’est-à-dire parce qu’ils sont certains que c’est certain. Tenir un point pour certain, tant qu’il existe un être qui nierait sa certitude s’il le pouvait, mais qui ne le peut pas, c’est affirmer que nous, et ceux de notre opinion, sommes les juges de la certitude, et juges sans entendre les deux côtés de la question.

Dans notre siècle, qu’on a représenté comme privé de foi, mais effrayé du scepticisme, les hommes se sentant assurés non pas tant de la vérité de leurs opinions que de leur nécessité, les droits d’une opinion à être protégée contre l’attaque publique reposent sur son importance pour la société, plutôt que sur sa vérité. Il y a, dit-on, certaines croyances si utiles, pour ne pas dire indispensables au bien-être, que c’est autant le devoir des gouvernements de soutenir ces croyances, que de protéger aucun