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sophisme ; il a senti que la seule façon dont un être humain puisse jamais venir à bout de connaître à fond un sujet, c’est d’écouter ce qu’en peuvent dire des personnes de toutes les opinions, et d’étudier toutes les manières dont il peut être envisagé par les différents genres d’esprit. Jamais aucun homme sage n’acquit sa sagesse autrement, et il n’est pas dans la nature de l’intelligence humaine de devenir sage d’aucune autre façon. La constante habitude de corriger et de compléter son opinion, en la comparant à celle des autres, loin de causer du doute et de l’hésitation pour la mettre en pratique, est le seul fondement stable d’une juste confiance dans cette opinion.

En effet, l’homme sage connaissant tout ce qu’on peut, selon toute probabilité, dire contre lui, et ayant assuré sa position contre tout adversaire, sachant que loin d’éviter les objections et les difficultés il les a cherchées, et n’a écarté aucune lumière du sujet, cet homme a le droit de penser que son jugement vaut mieux que celui de n’importe quelle personne ou quelle multitude, qui n’a pas fait les mêmes façons.

Ce n’est pas trop exiger que d’imposer au public, à cette collection variée de quelques sages et de beaucoup de sots individus, les mêmes conditions que les hommes les plus sages, ceux qui ont le plus le droit de se fier à leur jugement, regardent comme