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d’opinions que nous regardons comme fausses et pernicieuses.

Je réponds que c’est affirmer beaucoup plus. Il y a la plus grande différence entre présumer qu’une opinion est vraie, parce qu’avec toutes les chances pour être réfutée elle ne l’a pas été, et affirmer sa vérité afin de ne pas en permettre la réfutation. La liberté complète de contredire et de désapprouver notre opinion, est la condition même qui nous permet d’affirmer sa vérité dans des vues pratiques ; et un être humain ne peut avoir d’aucune autre façon l’assurance rationnelle d’être dans le vrai.

Quand nous considérons soit l’histoire de l’opinion, soit la conduite ordinaire de la vie humaine, à quoi peut-on attribuer que l’une et l’autre ne soient pas pires ? Non pas certainement à la force inhérente à l’intelligence humaine, car sur tout sujet qui n’est pas évident de soi, une seule personne sur cent sera capable de juger. Encore la capacité de cette unique personne n’est-elle que relative ; car la majorité des hommes éminents de chaque génération passée, a soutenu beaucoup d’opinions regardées aujourd’hui comme erronées, et fait ou approuvé nombre de choses que personne ne justifiera aujourd’hui.

Comment se fait-il alors, qu’il y ait en somme, parmi l’espèce humaine, une prépondérance d’opinions rationnelles et de conduite rationnelle ? Si cette prépondérance existe réellement — ce qui doit être,