Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée

actuellement contre la discussion politique, excepté pendant quelque panique temporaire, quand la crainte de l’insurrection tire les ministres et les juges hors de leur état normal [1]. Généralement parlant, il n’est pas à craindre, dans un pays constitutionnel, que le gouvernement (qu’il soit ou non complètement responsable envers le peuple) essaye souvent de contrôler l’expression de l’opinion, excepté lorsque, en agissant ainsi, il se fait l’organe de l’intolérance générale du public.

Supposons donc que le gouvernement ne fait qu’un avec le peuple, et ne songe jamais à exercer aucun pouvoir de coercition, à moins que ce ne soit d’accord avec ce qu’il regarde comme la voix du peuple. Mais je refuse au peuple le droit d’exercer une telle coercition, soit de lui-même, soit par son gouvernement : ce pouvoir de coercition est illégitime. Le meilleur gouvernement n’y a pas plus de droit que le pire :

  1. Ces mots étaient à peine écrits, lorsque, comme pour leur donner un démenti solennel, survinrent les poursuites du gouvernement contre la presse en 1858. Cette intervention d’un mauvais esprit dans la liberté de la discussion publique, ne m’a pas entraîné à changer un seul mot du texte ; elle n’a pas davantage affaibli ma conviction que, les moments de panique exceptés, l’ère des pénalités pour la discussion politique était passée dans notre pays. Car d’abord on ne persista pas dans les poursuites, et secondement ce ne furent jamais à proprement parler des poursuites politiques. L’offense reprochée n’était pas d’avoir critiqué les institutions, ou les actes, ou les personnes des gouvernants, mais bien d’avoir propagé une doctrine estimée immorale, la légitimité du tyrannicide.