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se demande, encore que là tout soit national, quels sont les droits de ce gouvernement sur chacun de nous, quelle est la sphère précise des lois, où commence le domaine inviolable de l’individu ? Il ne s’agit plus de peuples à émanciper, mais de minorités à protéger : progrès immense, pour le dire en passant, que cet intérêt soit seul menacé.

Les peuples une fois maîtres de nommer le pouvoir législatif et même quelquefois le pouvoir exécutif, ont pu se dire un moment qu’il devenait peu important de limiter un pouvoir devenu national. Mais le doute est né de l’expérience, en face des majorités triomphantes et tyranniques qui ont paru aux États-Unis : naturellement, ce doute a pris faveur parmi les classes supérieures menacées d’oppression par le règne du nombre.

Telle est la question que se posent aujourd’hui certains peuples civilisés entre tous, qui en ont fini avec tout bon plaisir, avec tout égoïsme monarchique ou oligarchique. Au point où ils en sont, se gouvernant eux-mêmes, mettant toutes choses aux voix, le problème est de déterminer le pouvoir du gouvernement, la matière du vote. Ce qui montre à quel point ces peuples sont les supérieurs ou tout au moins les aînés de tout autre, c’est que la tyrannie qu’ils appréhendent est non-seulement celle des lois, ainsi que nous venons de le dire, mais celle de l’opinion. Il n’est tel que la nature de ce souci