Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée

publique. Voici ce principe : le seul objet qui autorise les hommes, individuellement ou collectivement, à troubler la liberté d’action d’aucun de leurs semblables, est la protection de soi-même. La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de force contre un de ses membres, est de l’empêcher de nuire aux autres. Elle n’en a pas une raison suffisante dans le bien de cet individu, soit physique, soit moral.

Un homme ne peut pas, en bonne justice, être obligé d’agir ou de s’abstenir, parce que ce serait meilleur pour lui, parce que cela le rendrait plus heureux, ou parce que, dans l’opinion des autres, ce serait sage ou même juste. Ce sont de bonnes raisons pour lui faire des remontrances, pour raisonner avec lui, pour le convaincre ou pour le supplier, mais non pour le contraindre ou pour lui causer aucun dommage, s’il passe outre. Pour justifier cela, il faudrait que la conduite qu’on veut détourner cet homme de tenir, eût pour objet de nuire à quelqu’autre. La seule partie de la conduite de l’individu pour laquelle il soit justiciable de la société, est ce qui concerne les autres. Pour ce qui n’intéresse que lui, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son corps et sur son esprit, l’individu est souverain.

Il est peut-être à peine nécessaire de le dire, cette doctrine n’entend s’appliquer qu’aux êtres humains