Page:Mill - La Liberté, trad Dupont-White, 1860.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est pourquoi il surmène avec tant d’acharnement quelques moyens de plaisir, de vertige, que la Providence a cru bien faire de laisser à sa disposition. De là le penchant humain vers toute ivresse, et cet abus de la coupe qui ne devrait en bonne règle que réparer les êtres.

Vous tenez peut-être le cas pour véniel, vous n’allez pas pour si peu dévouer ces tristes coupables aux dieux infernaux. Mais aussi bien gardez-vous de provoquer un être ainsi fait et ainsi conditionné à s’épanouir dans toutes ses proportions. Qu’il se cultive et se manifeste à certains égards, soit : mais surtout qu’il se borne, qu’il se réduise, qu’il s’efface, tel est l’idéal à son usage. Au surplus, ceci n’est pas une question : nous ne sommes en société, que pour en tirer ce bénéfice d’une contrainte mutuelle, je dirais presque, d’une mutilation universelle.

Cela dit sur l’étiquette du livre, laquelle n’en résume pas mal tout l’esprit, voyons le livre lui-même.

Sous ce grand nom de Liberté, il ne traite pas du droit des nations sur elles-mêmes à l’encontre des castes ou des dynasties, mais du droit des individus à l’égard de la société. On suppose un gouvernement né et constitué comme il faut, irréprochable dans son origine et dans son organisation ; et l’on