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méritez pas : car vous produisez avec une adresse criminelle dans votre corps des mouvements qui l’obligent, en conséquence des lois de l’union de l’âme et du corps qu’il a établies, à vous faire goûter toutes sortes de plaisirs : mais la mort corrompra ce corps, et Dieu, que vous avez fait servir à vos injustes désirs, vous fera servir à sa juste colère il se moquera de vous à son tour. »

Est-ce que le sarcasme aurait déjà commencé ? Voyez donc : comme si ce n’était pas assez que l’homme portât un piège en lui-même, il rencontre au dehors mille raisons de s’y prendre et de s’y oublier : ce que Pascal appelle le besoin de divertissement. Le fait est qu’entre son milieu et son prochain, l’homme a une condition assez misérable. Il serait inexact de dire que les fleurs et les fruits naissent sous ses pas ; encore moins voit-il ses semblables venir à lui la main pleine et ouverte. Mais je n’aime pas les sujets dolents et j’abandonne celui-ci, qui d’ailleurs a été traité de reste et comme épuisé de nos jours. Il y a, ce me semble, toute une littérature mélancolique, l’élégie coule à pleins bords et les têtes se courbent à l’envi comme si elles portaient le poids de la pensée : un écho, une réminiscence quelquefois sincère de ces illustres éplorés : Job, Rachel, Pascal surtout. Je m’en tiens à ceci : que l’homme est heureux comme il est bon, et qu’il ajoute une destinée pitoyable à la nature que vous savez.