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sont laissées à notre choix : tel est le cas de la charité ou bienfaisance que nous sommes tenus de pratiquer, mais non envers une personne définie, dans un temps prescrit. Dans le langage plus précis des philosophes, les devoirs d’obligation parfaite sont ceux en vertu desquels un droit corrélatif réside dans une ou plusieurs personnes ; les devoirs d’obligation imparfaite sont des obligations morales qui ne donnent naissance à aucun droit. Je crois qu’on trouvera que cette distinction coïncide exactement avec celle qui existe entre la justice et les autres obligations morales. Dans notre examen des acceptions populaires variées de la justice, nous avons vu que ce terme semble toujours impliquer l’idée d’un droit personnel, d’un titre que posséderait un ou plusieurs individus, titre semblable à celui que donne la loi quand elle confère une propriété, ou tout droit légal. Que l’injustice consiste à priver une personne de ce qui lui appartient, à manquer à la foi qu’on lui a promise, à la traiter plus mal qu’elle le mérite, ou plus mal que d’autres personnes qui n’ont pas des droits plus grands, tous ces cas impliquent deux choses : un tort fait, une personne déterminée à laquelle on fait tort. On peut aussi commettre une injustice en traitant une personne mieux que