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rapport entre l’utilité et la justice

de faire une chose, c’est une forme ordinaire du langage que de dire qu’elle doit être forcée de la faire. Nous serions satisfaits de voir cette obligation mise en action par quelqu’un qui en aurait le pouvoir. Si nous voyons qu’on ne peut le faire par la loi à cause de quelque inconvénient, nous déplorons cette impossibilité, nous considérons l’impunité de l’injustice comme un mal, et nous tâchons de la compenser en faisant porter sur le coupable tout le poids de notre désapprobation et de celle du public. C’est ainsi que l’idée de la contrainte légale est encore l’idée mère de la notion de justice, quoique cette notion subisse des transformations nombreuses, avant de devenir complète dans un état avancé de société.

L’exemple ci-dessus montre, je crois, réellement comment est née et a grandi l’idée de justice. Mais nous devons faire observer qu’il ne contient rien qui puisse faire distinguer cette obligation de l’obligation morale en général. La vérité est que l’idée de la sanction pénale qui est l’essence de la loi entre non seulement dans l’idée d’injustice, mais dans celle de n’importe quelle espèce de tort. Nous ne qualifions une action de mauvaise que parce que nous voulons dire que la personne qui l’a commise doit être punie d’une façon ou d’une autre ; si ce n’est par la loi, du moins par