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preuve du principe d’utilité

ton du désir ; à un moment donné elle s’est détachée du tronc générateur, et a pris racine ailleurs, si bien que souvent au lieu de vouloir une chose parce qu’on la désire, on la désire parce qu’on la veut. Ceci cependant n’est qu’un cas particulier d’un fait bien connu et bien général, la puissance de l’habitude. Beaucoup de choses indifférentes faites d’abord par un motif spécial, sont continuées par habitude. Quelquefois on le fait inconsciemment, la conscience venant seulement après l’action ; d’autrefois ce changement a lieu avec volition consciente, mais volition devenue habituelle, et l’on agit par la force de l’habitude, en opposition peut-être avec la préférence délibérée, comme cela arrive souvent à ceux qui ont contracté des habitudes d’indulgence vicieuse ou nuisible. Enfin, en troisième et dernier lieu vient le cas où l’acte habituel de la volonté, dans un cas individuel, n’est pas en contradiction avec l’intention générale, mais concourt à son accomplissement : c’est le cas de la personne d’une vertu assurée qui poursuit de propos délibéré et constamment une fin déterminée. La distinction entre la volonté et le désir ainsi comprise est un fait psychologique réel d’une grande importance. Mais ce fait se réduit à ceci : la volonté, comme toutes les autres facultés de notre