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preuve du principe d’utilité

des éléments. Le bonheur n’est pas une idée abstraite mais bien un tout concret et ces éléments forment quelques-unes de ses parties. Le principe utilitaire sanctionne et approuve qu’il en soit ainsi. La vie serait une pauvre chose, bien dénuée de sources de bonheur, si la nature humaine n’était pas construite de telle sorte que des choses d’abord indifférentes, mais conduisant ou s’associant à la satisfaction de désirs primitifs, deviennent en elles-mêmes des sources de plaisir d’une valeur plus grande en permanence et en intensité que celle des plaisirs primitifs.

La vertu, d’après la conception utilitaire, peut se classer parmi les biens de cette espèce. À l’origine on n’a dû la désirer que parce qu’elle conduisait au plaisir ou surtout écartait la souffrance. Mais une fois l’association formée entre le moyen et le but, on est arrivé à considérer la vertu comme bonne en elle-même, et on l’a désirée avec autant d’intensité que tout autre bien. Seulement il y a entre elle et les autres biens tels que l’amour de l’argent, du pouvoir, de la gloire, cette différence que souvent ces biens rendent l’individu nuisible aux autres, tandis que la culture désintéressée de la vertu rend l’individu bienfaisant pour ses semblables. En consé-