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l’utilitarisme

son fondement dans la nature humaine, ce serait nier les résultats de notre expérience.

Mais les associations qui sont entièrement de création artificielle, lorsque la culture intellectuelle est très avancée, sont atteintes graduellement par la force dissolvante de l’analyse ; et l’association du sentiment du devoir au principe d’utilité, fut-elle consacrée par l’éducation, pourrait aussi être brisée par l’analyse s’il n’y avait pas en nous des sentiments puissants qui s’harmonisent avec le principe d’utilité, qui nous font sentir et cultiver cette harmonie naturelle chez nous aussi bien que chez les autres, s’il n’y avait pas, en résumé, un sentiment servant de base naturelle à la morale utilitaire.

Mais là est la base de ce sentiment naturel puissant ; cette base, lorsqu’on reconnaît le bonheur général comme le grand principe de morale, constitue la force de la morale utilitaire. – Ce fondement si solide est celui des sentiments sociaux de l’humanité : c’est le désir d’être en union avec nos semblables, désir qui est déjà un principe puissant dans l’esprit humain, et qui heureusement, grâce à l’influence de la civilisation en progrès, et sans être enseigné particulièrement, tend chaque jour à devenir plus intense. L’état social est si naturel, si néces-