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sanction suprême du principe d’utilité

ou de la punition, n’a d’influence sur la conduite de l’individu qu’en proportion des sentiments religieux subjectifs et par eux. La sanction, tant qu’elle est désintéressée, existe toujours dans l’esprit lui-même. Les moralistes trancendentalistes doivent croire que la sanction morale ne peut exister dans l’esprit que si elle a sa racine hors de l’esprit ; et que si une personne peut se dire : « Ce qui me contraint, ce qu’on appelle ma conscience, est seulement un sentiment né dans mon esprit » elle est tentée de conclure : « lorsque ce sentiment cesse, l’obligation cesse aussi, donc si ce sentiment vient contrarier mes projets, je peux le négliger, essayer de l’annuler et passer outre ». Mais ce danger n’existe-t-il que pour les utilitaires ? Est-ce que l’obligation morale a plus de force parce qu’on croit qu’elle a sa racine hors de l’esprit, est-ce qu’elle en sera plus obéie ? Les faits prouvent si bien le contraire que tous les moralistes reconnaissent et déplorent la facilité avec laquelle on annule sa conscience. La question « Dois-je obéir à ma conscience ? » est aussi présente à ceux qui n’ont jamais entendu parler du principe d’utilité qu’aux utilitaires. Les personnes dont les sentiments moraux sont assez faibles pour que cette question soit possible, si elles y répondent affirmativement, le