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sanction suprême du principe d’utilité

sous toutes ses formes, les souvenirs de notre enfance, l’estime de nous-même, le désir d’être estimé, et jusqu’à l’humilité. Cette complication extrême est, je crois, l’origine de cette espèce de caractère mystique que l’on attribue, par une tendance de l’esprit humain dont on a beaucoup d’autres exemples, à l’idée de l’obligation morale, et qui fait croire que cette idée ne peut s’attacher qu’aux objets qui, par une loi mystérieuse supposée et d’après notre expérience actuelle, l’excitent en nous. Sa force d’obligation réside dans l’existence d’un ensemble de sentiments qu’on doit briser pour violer le principe du bien, et qui, si nous passons outre néanmoins, manifeste son existence en devenant notre ennemi sous la forme du remords. Quelle que soit la théorie que nous adoptions sur la nature et l’origine de la conscience, voilà ce qui la constitue essentiellement.

La sanction suprême de toute morale (motifs extérieurs mis à part) est un sentiment subjectif, né dans notre propre esprit. Je ne vois donc, pour les utilitaires, aucune difficulté à répondre à la question suivante : quelle est la sanction du principe particulier d’utilité ? Nous pouvons dire qu’elle est la même que pour les autres systèmes de morale ; elle vient