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l’utilitarisme

mauvaises. Cette opinion rend les utilitaires impopulaires auprès de beaucoup de gens. Mais c’est une impopularité qu’ils doivent partager avec tous ceux qui voient la distinction entre le bien et le mal sous son véritable jour ; et ils ne doivent pas être désireux de la voir cesser.

Si le reproche que l’on fait aux utilitaires de mesurer la moralité des actions d’après le principe utilitaire, avec des vues trop exclusives, de ne pas tenir assez compte de ce qui rend une créature aimable ou admirable, se borne là, on peut l’accepter. Les utilitaires qui ont cultivé leur sens moral aux dépens de leur sens sympathique ou artistique, tombent dans un défaut que n’éviteront pas d’autres moralistes placés dans les mêmes conditions. On peut excuser les uns et les autres en disant que, s’il doit y avoir erreur, il vaut mieux qu’elle soit en ce sens. En fait nous pouvons affirmer que parmi les adhérents aux autres systèmes, on trouve réunis sous le même étendard tous les degrés de la rigidité ou du relâchement : quelques adeptes sont rigides comme des puritains, d’autres aussi indulgents que peuvent le désirer les pêcheurs ou les sentimentalistes. En somme, une doctrine qui met en avant l’intérêt qu’a l’humanité à réprimer et à prévenir ce qui peut violer