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ce que c’est que l’utilitarisme

vais, encore moins parce qu’il est aimable, brave ou tout l’opposé. Ces considérations peuvent servir à estimer la valeur des personnes, mais non celle des actions ; rien dans l’utilitarisme n’empêche de reconnaître qu’il y a dans les personnes des points qui nous intéressent en dehors de la qualité de leurs actes. Les stoïques, avec ce langage paradoxal qui faisait partie de leur système, s’efforçaient de se désintéresser de tout excepté de la vertu, et aimaient à dire « celui qui possède la vertu a toute chose : seul il est riche, beau, il est roi ». La doctrine utilitaire n’a pas à protester contre cette définition de l’homme vertueux ; mais elle sait qu’à côté de la vertu il y a d’autres biens, d’autres qualités désirables dont elle reconnaît la pleine valeur. Les utilitaires savent aussi qu’une bonne action n’indique pas nécessairement un caractère vertueux, et que souvent des actions blâmables procèdent de qualités louables. Lorsqu’ils connaissent les circonstances particulières d’un acte, celles-ci modifient leur estimation non pas de l’acte mais de l’agent. Ils accordent que dans une longue vie les bonnes actions soient la meilleure preuve d’un bon caractère ; mais ils refusent absolument de considérer comme bonne une disposition d’esprit qui ne produit que des actions