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l’utilitarisme

pour avoir une valeur suffisante, ils ne doivent s’en prendre le plus souvent qu’à eux-mêmes.

Pour ceux qui n’ont pas d’affections privées ou publiques, le mouvement de la vie a moins d’attrait et dans beaucoup de cas diminue encore la valeur quand approche la mort qui met un terme à tous les intérêts égoïstes. Au contraire, ceux qui doivent laisser derrière eux des affections personnelles, ceux qui ont cultivé l’amitié ou l’amour plus général des hommes, conservent jusqu’à la mort l’intérêt qu’ils prenaient à la vie dans toute la vigueur de leur jeunesse et de leur santé.

À côté de l’égoïsme, ce qui rend la vie peu satisfaisante, c’est le manque de culture intellectuelle. Un esprit cultivé, et j’entends par là non un philosophe, mais un homme à qui sont ouvertes les sources du savoir et qui sait jusqu’à un certain point se servir de ses facultés, trouve des sources d’intérêt inépuisable dans tout ce qui l’entoure. Les choses de la nature, de l’art, les inventions de la poésie, les incidents de l’histoire, le passé de l’humanité, son avenir, tout peut l’intéresser. On peut il est vrai devenir indifférent à tout cela sans en avoir épuisé la centième partie, mais c’est parce qu’on regarde toutes ces questions sans intérêt moral ou humain, et qu’on ne voit dans l’étude qu’un moyen de satisfaire sa curiosité.